Une monnaie locale est une monnaie circulaire

Une monnaie locale
est une monnaie circulaire
au sens de l’économie circulaire.

Texte à partir d’un commentaire au débat sur l’ECONOMIE CIRCULAIRE organisé par les Rencontres pour une MONDE NOUVEAU, Montpellier 2.10.2021.

Économie linéaire et économie circulaire :

L’économie circulaire est en opposition complète à notre économie actuelle, dite linéaire.

Il est vrai que l’économie circulaire, celle des circuits courts et de la production éco-responsable est bien celle où les sous-produits ou déchets d’une production deviennent les matières premières d’une autre production avec une réutilisation, un recyclage, une réparation presque sans fins ; cf les 4 R : réduire, réutiliser, recycler, repenser.

Billet de 5 Krôcôs : réduire, réutiliser, réparer, recycler…

Alors que l’économie linéaire passe d’une matière première issue de la nature à la fabrication d’un produit qui , en fin de cycle de vie, finit en déchet non recyclable, avec des pollutions qui sont disséminées sur la planète pour la stériliser, la meurtrir, en diminuer la biodiversité, en modifier le climat.
Ces Rencontres nous ont proposé un plateau de 4 intervenants avec une belle dichotomie : d’un côté, les représentants masculins de LVMH et de LIDL et de l’autre les représentantes de Emmaüs et de H.O.P (Halte à l’Obsolescence programmée).

Les premiers nous expliquaient en gros le « greenwashing » du « business as usual » et les secondes les actions « témoignages » des associations pour aller vers l’économie circulaire.
L’intervention la plus virulente fut celle de Marc Antoine JAMET, Secrétaire Général du groupe LVMH et élu socialiste qui minimise l’impact de son entreprise dans la mesure ou le luxe ne pèserait pas grand-chose dans le total des rejets de CO2.
Mais il oublie d’expliquer que leurs produits sont élaborés par 150 000 salariés dans 70 pays différents, puis acheminés et vendus à travers le monde entier du matin au soir.

Mon intervention portait sur le fait que l’économie linéaire peut être par dérision qualifiée de « circulaire », quand ce sont les profits et les plus-values spéculatives qui circulent le plus à l’échelle de la planète entière. Cf l’article de Patrick Artus dans le Monde du 4/10/21 «une économie de la spéculation ».
En effet, notre économie dominante met en œuvre des chaines de valeurs à l’échelle mondiale. Elle cherche toujours à faire fabriquer chaque élément à moindre coût dans les zones à bas salaires lorsque la part de travail reste importante ou dans les zones disposant de ressources naturelles à bas prix lorsque ce sont elles qui sont primordiales. Ensuite, elle va revendre les produits finis dans les différents pays selon les niveaux de pouvoir d’achat : aux pays ou aux consommateurs « riches » les produits de luxe ou de très bonne qualité, aux moins « riches » les produits de bas de gamme, en passant pas plusieurs paliers de revenus intermédiaires.
Alors, du côté de LVMH, il est vrai que le cognac et le champagne sont produits en France et maintiennent des emplois locaux, mais qu’en est-il de la mode ou de la maroquinerie ?

Monnaies mondialisées et monnaies locales :

A l’opposé des monnaies mondialisées, une monnaie locale va stimuler, développer des chaines de valeurs locales, départementales, régionales et constituera un puissant accélérateur pour des relocalisations possibles et la mise en place de pans entiers de l’économie circulaire. Encaissant de la monnaie locale, tout producteur (agriculteur, artisan, industriel) va chercher à se rapprocher de fournisseurs de matières premières ou de clients au niveau local. On peut donc parler de monnaie locale circulaire.
Même le représentant de LVMH admettait que l’utilisation d’une telle monnaie pouvait être possible pour leur marque Vuitton qui emploie 6000 salariés en France, regroupés sur des sites proches avec de nombreux échanges entre sous-traitants ( mais sur 19000 salariés en tout dans le monde).
Une monnaie locale ne vise pas à remplacer la monnaie mondialisée qui a cours dans un pays donné ; ainsi, en France cette monnaie reste bien sûr comme le précise son cadre légal, complémentaire à l’€ (1 unité de monnaie locale = 1 €, avec une convertibilité absolue en €.

Monnaie locale et économie circulaire :

Une monnaie locale aura donc une action de dynamisation des échanges économiques locaux pour la partie des achats et des ventes d’une entreprise qui n’est pas complètement « hors sol local » ; sur ce dernier point, les décideurs politiques devront cesser de favoriser ce type d’entreprise « hors sol » en évitant de se laisser abuser par les quelques emplois crées, au niveau de salaire mondialisé, pour le temps que durera un avantage comparatif à l’échelle mondiale en établissant la balance coût /bénéfices du point de vue de la transition écologique à long terme.

Une implantation d’entreprise devient souhaitable quand elle apporte, au-delà des emplois, un certain degré d’insertion dans l’économie des 4 R.
Avec des acteurs économiques locaux (particuliers comme collectivités locales) effectuant des dépenses en monnaie locale, les unités de production ou de commercialisation, petites ou grandes seraient donc poussées à réexaminer leurs circuits d’approvisionnement et de distribution, pour les insérer davantage dans le tissu local. Le degré d’insertion serait facilement mesurable en observant le ratio monnaie locale/euro dans sa comptabilité.
Et cela se fait sans une inflation de règlements et de contraintes : de même que nous avons crée l’€ pour grignoter la suprématie du dollar en vue d’ acquérir à bon prix du pétrole et du soja, de la même façon, de fortes quantités de monnaie locale en circulation dans un territoire donné va inciter nombre entreprises à s’ouvrir davantage à l’économie locale.

Une telle création d’entreprise risque cependant de ne pas trouver les capitaux nécessaires au niveau de la finance mondiale qui exige un taux de rentabilité financière élevé. C’est pourquoi, il faut encore obtenir que les monnaies locales deviennent aussi des monnaies de crédit ou des « monnaies dettes »
Il faut que les monnaies locales deviennent des monnaies de crédit, servant à financer le coût d’un investissement de transition écologique et territorial qui correspond à la réduction d’émissions de CO2 attendu et non rémunérée par le marché. Ainsi, la monnaie locale émise (création monétaire) devient la contrepartie d’une richesse environnementale crée.

Michel Agietta écrit dans » le futur de la monnaie » (Odile Jacob, 2021) :

« Il ne suffit pas que les monnaies locales soient légitimées par la loi,……l’acceptation par les autorités publiques locales est indispensable…. Avec le règlement en monnaie locale des services publics et l’acceptation du règlement des impôts locaux en monnaie locale…. ».
« Les monnaie locales répondent donc aux carences du système monétaire officiel, capté par le capitalisme financiarisé, à assumer les risques environnementaux «.

D’ores et déjà, les fonds de réserves détenues par les associations qui émettent des monnaies locales peuvent servir de garantie à des prêts accordés par les banques qui les détiennent ; pour la Graine, le fond de réserves est encore faible (50 000 €) mais pour l’Eusko à Bayonne, il est déjà de 3 millions d’€.
Face aux chaines de valeurs internationalisées qui placent les territoires en concurrence pour la localisation des entreprises et des emplois, les monnaies locales peuvent faire évoluer la conception économique des territoires vers le bassin de vie à vocation multiple : productive, commerciale, résidentielle.
Il faut assurément relier l’écologie à l’économie comme le dit Bertrand Picard : « Si on parle d’écologie sans parler d’emplois et d’économie, cela va braquer les gens » (Midi Libre du 2/10/2021). Mais, il faut que les modifications de rupture avec le modèle de l’économie linéaire atteignent une taille bien plus importante que celles que l’on peut espérer de la finance mondiale. A ce jour, ce sont seulement 12 % des investissements en France qui peuvent être caractérisées comme allant dans le sens de la transition écologique, c’est très insuffisant.

Il faut aussi entendre l’appel de Jean Jouzel à se mobiliser dans les territoires ( Midi-Libre du 2/11/2021 pour le « Monde Nouveau ») ; quel meilleur outil que les monnaies locales pour ce faire ?

Gérard Straumann, la Graine, monnaie locale. 31/10/2021

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