Le matin du 25 décembre 2020, la ville de Montpellier se réveille avec une nouvelle monnaie. Les premiers levés se précipitent sur les boulangeries et pâtisseries pour faire le plein de viennoiseries payées en « Graines », la monnaie éco-responsable dont on vient de décréter le cours légal en remplacement de l’euro.
Tous les espoirs se portent sur cette monnaie à présent ; il est vrai que personne ne regrettera l’euro, qui, après avoir permis de rapprocher pendant quelque temps plusieurs pays européens a fini pas sombrer sous les coups de boutoir spéculatifs des Chinois et des Américains, pour une fois réunis dans cette guerre monétaire mondiale. L’euro ne valait plus qu’un dixième de dollar et un vingtième de yuan, c’est dire ! Le croissant se payait autour de 10 euros, alors qu’avec la graine désolidarisée de l’euro, il suffira de 1,10 graine.
Suite au « grand infléchissement » voté par l’Europe qui se veut à présent à la pointe d’un nouveau modèle économique dit de « sobriété heureuse » : ce modèle est fait de quotas carbone personnalisés, d’énergie 100% renouvelable, d’interdiction de l’obsolescence programmée et d’un vaste programme d’investissement dans les villes et villages 100 % autonomes en énergie, matériaux de construction, nourriture, petite production manufacturée.
Comme l’Europe n’a autorisé que l’exportation et l’importation d’une liste limitée de biens et de services, comprenant tout ce qui est « HEC » c’est-à-dire Haute technologie (non produite en Europe), Exotique (dans l’alimentaire) et Culturel (sans restriction), le reste du monde a lancé une véritable guerre des tranchées. Elle est menée à coups de manipulations monétaires, d’intimidations du type cyber-guerre par robots interposés ou de résolutions onusiennes exigeant le retour de l’Europe dans les nations dites de la « fuite en avant productiviste » ou du programme « straight forward ».
Ce lancement à l’échelle d’un territoire d’une monnaie locale s’est fait, bien sûr, avec l’assentiment du gouvernement qui ne sait plus où donner de la tête pour faire face aux nombreuses faillites d’entreprises qui avaient trop misé sur le marché mondial, sans parler des banques qui sont sous perfusion de la banque centrale européenne depuis des lustres.
Et à Montpellier, la surprise est faible puisque la nouvelle maire s’est faite élire en mars dernier sur le projet de rejoindre le club des villes « bleu-vert » qui s’engagent d’ici 10 ans à atteindre la totalité des objectifs du nouveau modèle européen. « Bleu-vert » est le label qualité qui signifie une énergie tirée de la mer (éolienne, photovoltaïque) et une alimentation fournie par la mer et la vaste zone verte de polyculture élevage autour de la ville. Et ce projet municipal comporte notamment le passage à une nouvelle monnaie, la Graine, destinée à favoriser la production et la consommation éco-responsable, relocalisée, de l’économie circulaire.
Pour lutter contre l’effondrement de l’euro, la municipalité a décidé de réagir en recouvrant la ville d’un R.E.S.S.A.C (Revenu Eco-responsable et Solidaire pour le Social, l’Alimentaire et le Culturel) en attribuant à chaque habitant un S.A.C (Social, Alimentaire, Culturel) de Graines, en fait un revenu inconditionnel universel pour les services publics et les dépenses sociales, alimentaires et culturelles ; les produits artisanaux et industriels durables, quant à eux, sont gérés en accord avec la région Occitanie et sa quinzaine de monnaies locales..
C’est bien chaque habitant qui reçoit sur un compte en Graines, la somme de 500 Graines à chaque Noël, à charge aux parents de gérer le compte de leurs enfants non majeurs ou à obtenir une exemption pour majorité avancée obtenue auprès de l’adjoint aux affaires familiales.
Ce « cadeau de Noël » qui est fait pour circuler sur la ville et la métropole représente un premier flux d’environ 250 millions de graines, ce qui va déboucher sur une injection d’environ 1 milliard de graines en chiffre d’affaires annuel pour l’économie locale, puisqu’une monnaie locale circule 3 à 4 fois vite que l’euro. Il s’agira, bien sûr, pour chaque actif, d’arriver à un revenu mensuel en graines plus conséquent grâce à son travail dans la production économique classique ou socialement utile dans les associations ou le service public.
Cette somme, que la maire entend distribuer chaque année à Noël, représente environ 14 % du budget global ville + Métropole, mais seulement 3,5 % de la richesse économique créée localement chaque année et reviendra peu ou prou dans les recettes publiques à travers les impôts locaux et autres prélèvements fiscaux normaux. Pas un centime de monnaie locale ne pourra s’envoler vers les importations de Chine, vers les paradis fiscaux ou vers la spéculation mondialisée puisque la monnaie locale ne repasse jamais par un compte en banque classique.
Ce cadeau initial créera du dynamisme économique au seul profit des emplois et des revenus des Montpelliérains et métropolitains ; certains l’appellent déjà le plan « GM = Georges- Michelle » en accolant les prénoms bien connus de deux maires, et en référence au plan de Georges Marschall après la 2 GM. Ces 250 millions de Graines circuleront jusqu’aux confins du département de l’Hérault ; au-delà, ce sont d’autres monnaies locales comme le Krôcôs du côté de Nîmes ou l’Aïga du côté des Cévennes qui auront cours légal.
Ce flux de pouvoir d’achat dépensé localement est particulièrement apprécié par les centaines de boutiques, artisans, services de la Métropole en cette fin d’année qui a encore subi, pour la troisième fois en 10 ans un confinement strict pour raison de pandémie entre septembre et la mi-décembre. Mais, il représente bien plus que cela : ce sont les citoyens avec leurs élus qui, ce faisant, arrachent ainsi tout un pan du pouvoir monétaire et économique aux quelques milliers de personnes ou d’entreprises, les « premiers de cordée » qui tirent un avantage excessif de l’évolution économique et monétaire mondiale. Cela contribue grandement à limiter les inégalités économiques et à rapprocher enfin les consommateurs de leurs commerçants ou producteurs pour donner du sens à cette réalité première : ils ont intrinsèquement les mêmes intérêts, et dans la construction d’un monde meilleur, plus écologique, plus solidaire, ils sont à la fois alliés et complémentaires.
Il faut ajouter que le fait pour une équipe politique d’utiliser l’outil monnaie locale témoigne de sa volonté de faire confiance à chaque habitant, qui va librement déterminer les produits et les services et qu’il veut favoriser pour construire notre avenir commun. Ce ne sont plus les équipes de recherche, puis de marketing des grandes firmes, avec les capitaux accumulés par quelques- uns qui vont décider de ce « commun essentiel » mais nous tous, là où nous vivons, là où nous aimons, là où nous vous accueillerons volontiers demain.
En 2021, peut-être du conte à la réalité avec le développement de la monnaie locale de Montpellier et de l’Hérault ?
Pour l’équipe de la Graine, Gérard Straumann, 25/12/2020